25 janvier 2010

L'exception culturelle

d'après l'ouvrage de Serge Regourd



     Nous sommes en 2010 et presque tous les secteurs de production économique des 153 états présents au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce ont cédé aux préceptes libre-échangiste et anti-protectionniste libéraux. Tous ? Non ! Car un continent peuplé d’irréductibles défenseurs de la diversité culturelle résiste encore et toujours à l’envahisseur américain.
Ainsi pourrait débuter le récit de l’épopée d’une notion devenue symbole du refus de l’uniformisation culturelle : l’exception culturelle.
    Bien qu’apparue tardivement dans le débat public, en 1993, cette idée selon laquelle l’audiovisuel, et à travers lui la culture, « n’est pas une marchandise comme les autres » est en réalité bien antérieure à l’Uruguay Round qui la consacre.
S’attachant en premier lieu à retracer la genèse, les enjeux et les modalités de sauvegarde de l’exception culturelle, l’ouvrage homonyme de Serge Regourd nous éclaire ensuite sur la remise en cause de cette dernière et le parcours chaotique ainsi que la victoire en demi-teinte qui a assuré un sursis au secteur audiovisuel en terme de libéralisation.



    Si l’exception culturelle en tant qu’argument contre la libéralisation totale de l’économie n’apparait qu’à la fin du XXe siècle, elle trouve ainsi ses fondements bien avant et, loin de n’être réservée qu’aux secteurs audiovisuel et cinématographique, elle peut s’appliquer à toutes les industries culturelles.
    Intimement liée au développement de l’industrie du cinéma français, cette notion va émerger dès les années 30 auprès des professionnels de ce secteur qui vont, à cette époque, se constituer en syndicats afin de défendre leurs intérêts. Déjà reconnues comme « source de jouissance intellectuelle » (jurisprudence Doyen, 1905), les œuvres cinématographiques bénéficient, dès 1928, d’un contingentement appliqué aux productions étrangères dans le but de protéger les « traditions nationales » (dixit Edouard Herriot).
Ce protectionnisme culturel est également le fruit d’un régime, la IIIe République, où « le pacte républicain » -qui promet l’Egalité- motive un volontarisme de la puissance publique (et donc une conception spécifique des rapports entre l’Etat et le marché) et un refus de la domination américaine selon ce que De Gaulle qualifiera plus tard « une certaine idée de la France », une idée qui illustre sa grandeur et refuse l’abandon de son patrimoine culturel aux lois du marché, une idée qui gardera toute sa place au sein des IVe et Ve République.
    Va ainsi s’ajouter à ce protectionnisme de quotas un protectionnisme de subventions.  Commandé par des intérêts économique et culturel, le régime de Vichy va ainsi, en 1940, mettre sur pied un organe chargé de la régulation et du financement des œuvres cinématographiques, le COIC, ancêtre de l’actuel CNC né à la Libération (1946). Dès sa naissance, cet organe est ainsi chargé d’assurer un soutient à la production d’œuvres françaises en même temps que de favoriser leur diffusion par rapport aux œuvres étrangères, et notamment américaines.
Cette même année, l’accord Blum-Byrnes, contraignant la France à l’importation et la diffusion de films américains, ne manquera pas de déchaîner les passions dans le monde du cinéma.


    Le traité de Rome de 1957, qui institue la Communauté Européenne, marque à sa façon l’existence effective de ce qu’on appellera bien plus tard l’exception culturelle. En effet, si auparavant chaque état menait sa politique selon son bon vouloir, les six pays qui s’engagent en 1957 le font sur la base de fondements strictement libéraux.
De fait, on aurait du assister par la suite à une suppression des subventions aux productions nationales par les états membres, voire à une suppression des quotas, d’autant plus après que la Cour Européenne de Justice a, en 1974, consacré l’appartenance des œuvres audiovisuelles à la catégorie des services (jurisprudence Sacchi), exclus à l’époque des accords du GATT mais déjà concernés par la dérégulation communautaire.
Plus étonnant encore, ce protectionnisme appliqué à l’audiovisuel sur le vieux continent sera accentué par l’Acte Unique de 1986, qui fonde le marché commun, puis par le traité de Maastricht en 92.
    De multiples mesures protectionnistes verront donc le jour en France et en Europe tout au long de la seconde moitié du XXe siècle et plus encore dans les années 80 et 90.
En France, la libéralisation des ondes hertziennes et radiophoniques et la poursuite du soutien au cinéma aboutira ainsi à la mise en place, en 1992, de taxes sur les distributeurs de contenus (chaînes hertziennes, tickets de cinéma), de quotas de diffusion télévisée d’œuvres françaises ou européennes (120h/an en prime time), de quotas de radiodiffusions de chansons françaises (1994) ainsi que d’aides au financement via des fonds tels que l’IFCIC ou la SOFICA.
Au niveau Européen, 1988 sera marqué par la création du fond de financement EURIMAGES avant que le Conseil de l’Europe mette en œuvre, dès 1990 et jusqu’en 2006, une politique de stimulation de l’industrie audiovisuelle européenne à travers trois plans quinquennaux (Media I puis Media II et enfin Media PLUS). Par ailleurs, il faut noter que le traité d’Amsterdam, signé en 1997, consacre et légitime l’existence et le double financement (publicitaire et par l’imposition) des chaînes publiques.
    Comme nous pouvons le constater, il semble bien que la Communauté Européenne, malgré les préceptes libéraux sur lesquels elle se fonde, accorde une place toute particulière aux productions culturelles et plus particulièrement audiovisuelles.
La menace libérale à l’origine de la levée de bouclier des défenseurs de l’exception culturelle n’est donc pas liée à la construction européenne…

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    Et pour cause, elle est liée à une construction qui, certes, partage sa logique libérale, mais se veut autrement plus large, et donc plus « globalisante ».
Cette construction, plus vaste et qui réveille la peur de l’uniformisation culturelle, c’est celle du commerce mondiale.  
Elle débute en 1947, à Genève, avec la signature du GATT. Cet accord est alors le premier d’une série de cycles de négociation (également appelés « Rounds ») destinés à libéraliser le commerce international. Dans une première phase ces cycles se concentreront sur la libéralisation des marchandises avec de s’attaquer, en 1986, à celle des services, qui constituent la seconde phase de cette série d’accords qui débouchera, en 1994, sur la création de l’OMC qui, si elle offre un cadre institutionnel commun qui peut contrôler et sanctionner, n’est pas une finalité en elle-même mais poursuit les négociations avec toujours pour but une libéralisation et une transparence croissante.
Cette seconde phase débute donc en 1986 à Punto del Este avec l’Uruguay Round et se propose de déréguler, entre autres secteurs tertiaires, celui de l’audiovisuel.
    Malgré l’interventionnisme européen et français qui prévalait déjà dans ce domaine, les contestations vont tarder à se faire entendre. Ainsi, c’est seulement en 1993 qu’elles vont éclater en France avec un retentissement médiatique important. Les professionnels du cinéma et de la télévision se joignent alors aux promoteurs de l’idée d’exception culturelle, parmi lesquels François Mitterrand et Jacques Delors, pour monter au créneau et faire passer leur message.
Et la tâche n’est pas aisée pour ces partisans de la diversité puisque c’est la Commission Européenne qui est chargée de négocier au nom de l’union avec à sa tête le conservateur britannique Sir Leon Brittan, proche de Thatcher et plus acquis aux attentes transatlantiques qu’aux soucis culturels français.
La France se retrouve ainsi isolée. En effet, bien que les autres pays européens ne soient pas nécessairement pour une libéralisation totale, ces derniers (moins protectionnistes) subissaient déjà avec force l’hégémonie de la production audiovisuelle américaine et, par là même, avaient moins d’enjeux réels et symboliques à sauvegarder. Le bras de fer s’engage alors entre la France et les Etats-Unis, chacun des partis menaçant de se retirer des négociations.
    Mais l’argument de l’exception culturelle va trouver un nouveau retentissement grâce au Parlement Européen. Dès lors, impossible pour le commissaire européen en charge des négociations d’aller contre la volonté de l’organe représentatif.
De plus, l’exemple du Canada qui, dans le cadre de l’ALENA, a obtenu en 1988 l’exclusion de l’audiovisuel des services dérégulés, encourage l’opposition.
Finalement, le problème va surtout être le fait d’un déficit juridico-sémantique portant sur les termes de l’accord lui-même : spécificité culturelle, exception, exclusion comme dans le cas du Canada ; personne n’arrive à se mettre d’accord, si bien que les accords de Marrakech signés en 1994 ne comporteront finalement aucun engagement concernant l’audiovisuel.
A l’issue de cet accord, on peut certes dire que la notion d’exception culturelle a triomphé, mais pour combien de temps ?

    1 an. Ni plus, ni moins. Et pour cause, dès 1995, une nouvelle offensive néolibérale, venue tout droit de l’OCDE  qui regroupe les 29 pays les plus riches de la planète, va dans le plus grand secret discuter d’un nouveau texte. L’Organisation de Coopération et de Développement Economique va ainsi, deux ans durant, en échappant à tout contrôle, échafauder un projet d’accord nommé AMI pour Accord Multilatéral sur l’Investissement qui, loin de se limiter au thème de la libéralisation de l’audiovisuel, remet en cause le pouvoir souverain des états dans le contrôle des investissements étrangers en imposant, dans tout les domaines, la clause du traitement national sans individualisation possible. En plus de remettre en cause le principe d’exception culturelle, ce texte allait jusqu’à éradiquer toute forme de volontarisme de la part de l’Etat, dans des domaines aussi divers et variés que la santé, l’éducation, les transports publics ou encore la protection sociale.
    Ainsi, si les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma furent les premiers à dénoncer ce projet, aux côtés d’Organisations Non Gouvernementales et toujours selon le principe de l’exception culturelle, leur position parue bien vite bancale quand fut découverte la portée beaucoup plus globale et d’autant plus inquiétante de l’accord en gestation. Le retrait de la France des négociations en octobre 1998 entraîna finalement le dessaisissement de l’OCDE et l’abandon du projet AMI.
Cependant, la vaste contestation internationale provoquée par ce projet eu d’autres retentissements puisque l’année suivante, le mouvement anti-mondialisation allait signer l’échec du Millenium Round qui se tenait à Seattle.
A la veille même de ce sommet, l’Union Européenne déclarait maintenir la position qu’elle tenait de l’Uruguay Round tout en substituant le terme de diversité culturelle à celui d’exception. Ce changement sémantique visait alors à fédérer davantage les européens et les pays tiers à une position perçue, à raison, comme trop française au point de paraître égoïste. Si le consensus européens en est né, cette terminologie a cependant remis en cause la légitimité du protectionnisme puisque la diversité implique davantage l’égalité de traitement des offreurs que la préférence accordée aux nationaux. Cette ambiguïté a, de fait, laissé la porte ouverte à toutes les issues…
  
  
    Au terme de cet ouvrage, qui revient dans ses dernières pages sur des sujets épisodiques ou peu développés, on comprend donc que si la notion d’exception culturelle forgée en butte à la libéralisation des industries audiovisuelle et cinématographique a pu les protéger un certain temps, elle ne saurait être une réponse définitive face aux assauts du libéralisme. Déjà fortement remise en cause, celle-ci manque d’ailleurs de pertinence puisque, s’appliquant presque exclusivement aux créations audiovisuelles dans l’utilisation qui en est faite, elle oublie de se préciser ou de se refondre dans des optiques plus vastes qui prendraient en compte la culture de manière plus large et appropriée. Et si cette exception est réellement devenue diversité culturelle, les implications de cette nouvelle conception risquent d’être bien plus considérables et étendues que la seule défense d’intérêts nationaux qu’elle risque d’ailleurs de mettre en péril…


19 janvier 2010

Haïti: l'abysse entre pauvres et nantis

Tentative d'éclairage sur l'enjeu "classe moyenne"

Des soldats canadiens patrouillant dans Port-au-Prince pour rétablir la stabilité d'Haïti,
sous mandat de l'ONU (crédit: John Nicholson)

     La "classe moyenne" est souvent considérée comme une notion purement économique, un symbole aux accents transatlantique qui embrasse une réalité très sporadique.
     Si j'en crois mon dictionnaire d'économie, elle est ainsi définit comme "Un ensemble de groupes sociaux caractérisés, aux plans professionnel et statutaire, par leur position intermédiaire entres les classes supérieures et les classes populaires (ouvriers, salariés et assimilés)".
     Si je me figure cette nébuleuse, dans toute son obscurité, j'accède à l'image stéréotypée de la famille modèle symbole de la classe moyenne américaine mais qui ne recouvre rien que je connais.
En fait, la classe moyenne est bien plus importante et son développement a des conséquences majeures, des retombées sociales et culturelles, civilisationnelles même !


     Car, qu'est-ce que la classe moyenne? La classe moyenne, ce sont les cadres, les fonctionnaires, les professeurs, les infirmières, les professions intermédiaire en général. Dans un plus sens large, davantage sensible aux styles de vie et pratiques culturelles et pas seulement du point de vue économique, on peut y rattacher les avocats, les médecins, ou les journalistes.
De ce point de vue, la classe moyenne semble traduire le niveau d'éducation de la population; qui, certes, lui même, traduirait un revenu croissant (puisqu'on estime qu'à BAC+1, une année d'étude équivaut à 11% d'augmentation).


     Néanmoins, ce simple constat est du plus grand intérêt et il importe de ne pas s'y soustraire. Car si la classe moyenne traduit le niveau d'éducation d'une nation, elle a nécessairement des implications en terme de développement. Et là encore, l'histoire montre par exemple que l'émergence d'une classe moyenne a coïncidé, dans les pays développés d'Europe Occidental et aux Etats-Unis, avec l'industrialisation et la concentration des activités à la fois public et privé.
     Apparu dès la première moitié du XXe siècle (bien que déjà présente, de manière plus anecdotique, au XIXe), ce phénomène de rationalisation des activités rendu indispensable par la technique, le développement des administrations publiques, des services et la concentration des entreprises (qui se dotent elles-mêmes d'une administration) a fait émerger une toute nouvelle classe de salariés différenciés: les cadres supérieurs et moyens, employés de commerces, de bureaux, ou personnels d'encadrement des ouvriers dans l'industrie.
A cet égard, la structure du PIB américain en 1950 est intéressante puisqu'il doit alors sa croissance pour 42% à l'industrie, qui connait à cette époque son apogée, et à 54% au secteur tertiaire.
En France, peu après, ce sont les Trente Glorieuses qui feront grossir les rangs de cette classe moyenne avec la croissance fulgurante d'une activité économique en pleine maturation et la massification de l'enseignement.
     Les sociétés qui réalisent cette itinéraire aboutissent donc à un état de développement élevé où la majorité de la population jouit de conditions de vie décente. Dans ce cadre, affranchie en majorité des besoins primaires nécessaire à la survie, se développe un attrait pour le "mieux-vivre" qui passe par la consommation de services de santé et d'éducation, le besoin d'intégration sociale et d'expression. C'est ce que traduit la pyramide de Maslow.
     Par ailleurs, on peut dire que l'existence même de cette classe moyenne a des effets sociaux et politiques incontestables: elle stimule l'expression démocratique en nourrissant les outils du contre-pouvoir (justice, médias) et peut même provoquer des bouleversements sociaux irrémédiables.
     Ainsi, alors que dans une société "de classes" où s'affrontent sans arbitres les plus riches et les plus pauvres les mouvements sociaux sont principalement quantitatifs, et liés au travail (on se bat pour des congés payés, des réductions du temps de travail, etc); ceux-ci expriment, dans des sociétés sujettent à la moyennisation, des aspirations plus qualitatives, liées au mode de vie, aux normes et aux valeurs sociales. Ce fut l'œuvre de mouvements luttant pour l'égalité homme/femme, l'homosexualité, le droit à l'avortement ou encore l'égalité des noirs. 
Une fois de plus, on peut constater sur ce dernier point la courte avance historique des américains dans ce domaine.
     Plus qu'un simple indicateur économique, l'idée de classe moyenne semble donc davantage traduire un état de développement social avancé qui correspond, concrètement, à une élévation globale des niveaux de vie et d'éducation d'une société.





     Mais l'actualité, l'histoire et les sciences économiques et sociales liées offrent un panorama encore plus large et complet, encore plus frappant et éclairant, car comme disait Hugo: "La vérité est comme le soleil: elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder".
Et si son propre est de manquer de complaisance, Haïti le prouve.
     Haïti est situé dans les Antilles, au sud-est de Cuba, à l'est de la Jamaïque et au nord du Vénézuela. Cette République de 10 millions d'habitant est le pays le plus pauvre d'Amérique avec un IDH "moyen" de 0,532 et un niveau de vie si précaire qu'on estime que plus de 70% de la population haïtienne vit avec moins de deux dollars par jour.
     Pour noircir davantage ce tableau déjà peu reluisant, il est utile de préciser également que Haïti se situe précisément sur la faille nord de la plaque tectonique des Caraïbes. Celle-ci, depuis au moins 3 siècles, est peu à peu poussée vers l'est. Ce lent mouvement de 1 à 2 centimètres par an provoque, comme vous l'imaginez, une tension sur cette faille est/ouest qui, à des intervalles plus ou moins réguliers que les scientifiques s'attachent à étudier, occasionne des ruptures à l'origine de séismes dont l'intensité varie selon la profondeur de l'épicentre.


     Pour en revenir à notre sujet, c'est-à-dire la classe moyenne, même si ce singulier fait débat étant donné l'hétérogénéité de ce groupe, il convient à présent de s'intéresser à la situation sociale d'Haïti sur cet aspect qui, nous l'avons vu, est loin de n'être qu'un point de détail.
     Pour être clair ce petit pays d'Amérique centrale ne possède qu'un embryon de classe moyenne, dont la légitimité est purement économique car si du point de vue des revenus et des fonctions elle existe, le sentiment qui devrait l'unir à un ensemble plus vaste, propre précisément à formé une véritable "classe", n'existe pas en l'état.
     Cela est dû principalement à une scolarisation tardive réellement engagée en 1997 et qui laisse demeurer de grandes inégalités (particulièrement entre ruraux et urbains) et totalement déficiente en termes d'enseignement supérieur, malgré un taux de scolarisation croissant de 50% sur la période 2000-2007 selon l'UNICEF contre 20% en 1994. Sur la même période, le taux d'alphabétisation des adultes n'était ainsi que de 62%.
Concrètement, cela implique qu'il n'existe pas véritablement de classe moyenne à Haïti puisque plus qu'économique, celle-ci est culturelle, même si elle correspond certes à un mode de vie déterminé par ses revenus. Et quand bien même elle pourrait exister, le pays souffre, comme c'est le cas bien souvent dans les pays pauvres, d'une fuite de ses meilleurs éléments vers l'étranger qui prive l'État d'une assise stable et l'abandonne à la cupidité des puissances financières locales (Cf carte ci-dessous).

Carte de Transparency International, principale organisation de la société civile luttant contre la corruption

     Dans un pays où l'État est faible et où la corruption gangrène le gouvernement et les administrations qui rendent possible son action, cela rend les riches toujours plus riches, car c'est l'argent qui est littéralement au pouvoir (via la corruption); et les pauvres toujours plus pauvres, car soumis aux règles édictées par leurs concitoyens les plus favorisés.
Sans compter, par ailleurs, que l'absence de classe moyenne est souvent le signe d'une information contrôlée par les plus puissants et d'un mépris des politiques sociales.
     Le vrai défi pour Haïti, donc, n'est pas seulement de relever sa capitale, Port-au-Prince, de ses ruines, mais aussi et surtout, de renforcer la force et la loyauté de son administration -dans un premier temps- pour pouvoir s'assurer un modèle de développement économique viable et plus égalitaire. 
Et ce qui vaut pour Haïti vaut pour de nombreux autres états, notamment africains, qui ont subit les mêmes maux: l'esclavagisme, une colonisation handicapante qui a stimulé une industrialisation et un développement d'infrastructures tournés vers les puissances coloniales et inadaptées à l'économie intérieure de ses colonies; et qui portent les mêmes stigmates: une exploitation des faibles par les puissants, une corruption destructrice, etc.

8 janvier 2010

"Je crois aux forces de l'Esprit"

Et il me semble que Mitterand, pour l'anniversaire de sa mort, a choisi la neige comme linceul d'une France déboussolée.

Peut être même qu'ils ont fait une alliance avec le nouveau venu de la Cour des Comptes. Conférence économique ce soir au Paradis, tout le gratin de la pensée sera de la partie ! Putain le pied !


Petit billet d'humeur alors que la tristesse semble envahir l'apparatchik qui nous gouverne depuis l'annonce, ce matin, du décès Philippe Seguin, président de la Cour des Comptes, l'institution de contrôle chargée de veiller au bon emploi des deniers des français.

Sentiment que ces hommes et ces femmes paraisse méconnaître, enfermés dans leurs manoirs de pierre de taille, bien installé au milieu des moulures dorées. Ah, nos dirigeants ont un coeur sous leur carapace et moi aussi, ce soir, j'ai envie de m'épancher sur eux et de les remercier:


- Brice tout d'abord. Ah, Brice, il me faut te dire que toi et moi, nous sommes rarement d'accord. Pourtant, j'adore tes chemises. Mais si ton passage à l'Immigration m'a horrifié, je dois dire que ton passage à l'Intérieur me terrifie !
D'une part, je te l'accorde, parce que ton successeur a écopée d'une mission plus horripilante encore que la tienne, en tout cas doublement ahurissante. Il y a entre toi et lui la différence qu'on trouve communément entre un chien de race et un bâtard. Toi à l'UMP, tu portes ton Pédigré; lui? il jappe, il glapi, il gémi comme un bull terrier nain .
Et il ose encore se plaindre au point de finir dans les pages du Figaro et du Canard Enchaîné.
Beau gosse.






- Éric, toi. Ce sont tes vestes qui me plaisent. Réversibles, adaptées à chaque saison. Puis-je me permettre de te dire que tu m'excites encore plus travesti en mec de gauche avec des lunettes.
Tu fais Führer. Et crois moi, je m'y connais.


Tenez-vous bien: 


Non non. VOUS NE RÊVEZ PAS !
En fait, Sarkozy a dit vrai! En France c'est "Travail et Famille".
La patrie n'est plus, le concept est hors d'usage: on emploi le terme "Identité Nationale".

C'est à dire:
le racisme et la stigmatisation, le repli sur soi et l'individualisme, OUI;
la guerre, NON.
Europe et Libéralisme oblige.

C'est toujours ça de sauver !



Voilà les garçons. C'est vous mes chouchous. Entre nous je sens que c'est passionnel. Entre nous il y a des sentiments. Je crains qu'ils ne nous éloignent plus qu'ils ne nous rapprochent, mais peu importe: ils vous offrent la faveur de mes plus grands dégoûts. (Qui sont d'ailleurs relativement rare hors du constat de vos coups d'éclats de misanthropie.)

6 janvier 2010

Une brève (et insatisfaisante) histoire de la Presse écrite

De la pluralité à la dictature de la pensée unique (comme disent les alarmistes)



Je publie cet article qui, comme bien d'autres, manque cruellement de structure et de cohérence mais qui, je l'espère, saura tout de même attiser votre curiosité et, bien sûr, votre esprit critique ! Je vous remercie en tout cas pour les multiples encouragements dont vous me faites part.




     De l'apparition du premier quotidien français en 1777 (le Journal de Paris) et de la reconnaissance de la liberté de la presse consacrée par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 aout 1789* aux tribulations actuelles d'une presse papier qui bat de l'aile, le chemin a été long pour ce média qui, deux siècles durant, s'est fait l'étendard de tout les soubresauts de notre société, des multiples révolutions qui ont ébranlées notre paysage politique au XIXe siècle à la chute du Mur de Berlin ou aux attentats du 11 Septembre 2001.

     Apparue au XVe siècle puis perfectionnée -notamment par la typographie- l'imprimerie a, en son temps, révolutionnée la façon de se penser en tant qu'Homme, au sein de l'espace et du temps.
La diffusion de l'information et du savoir qu'elle a rendu possible a fait germer, au sein des masses, cette conscience de "vivre ensemble" que l'on ressent avec plus d'intensité encore avec la mondialisation que nous connaissons et cette conscience de l'instant T c'est à dire la conscience d'une Pensée qui nous préexiste et qui nous succède, cette conscience que nous ne vivons qu'un jalon de l'Histoire de l'Humanité.
Mieux que toute autre philosophie, l'imprimerie a ainsi fait comprendre à l'Homme qu'il n'est qu'une goutte d'eau, à la fois au niveau spatial et temporel.

     De ce point du vue, l'apparition d'une presse d'information au sens où nous la connaissons aujourd'hui n'est rien d'autre qu'une suite de la prise de conscience du pouvoir de ce support, le papier, qui garde aujourd'hui encore une place primordiale dans notre culture et nos échanges (administratifs, personnels, professionnels, etc).
     Consécutif à cette prise de conscience, les deux siècles qui nous succèdent sont de fait l'illustration de l'expansion et de la sacralisation de "l'esprit critique", qui né avec la diffusion au plus grand nombre d'une information polyphonique, puisqu'ils ont vu proliférer une multitude de journaux, revues et autres magazines vendus à l'attention du peuple, mis en pâture auprès d'esprits féconds. 
     En effet, plus d'un éditeur de presse pâlirait s'il voyait, comme autant de concurrents, les milliers de titres proposés aux lecteurs qui se sont succédés dans nos kiosques aux XIXe et XXe siècle. Car on l'ignore bien souvent, mais la presse écrite est un secteur en perpétuelle mutation où même les grands titres sont éphémères. Ainsi Le Monde qui nous semble, à nous jeunes lecteurs, ancestral, ne né t-il sous la houlette de Hubert Beuve-Mery qu'en 1944...et souffre déjà depuis quelques années de problèmes de trésorerie récurrents.
     A l'aune d'une étude bi-séculaire de l'offre de presse, quel plus douloureux constat que celui de l'offre actuelle, bien moins prolifique qu'elle ne le fut par le passé, malade qu'elle est d'une concentration immodérée des médias entre les mains d'une fraction de holdings plus branchées communication qu'information, et qui accapare avec des grands titres (régionaux comme nationaux) la majorité du marché publicitaire de la presse écrite, condamnant de fait les petits titres à disparaitre.

    Cet effondrement du nombre de titres proposés, dont je vous épargnerai le détail des causes, se complique donc tout naturellement d'un déficit de pluralité évident puisqu'ont été condamnés, au fil des années, de nombreuses "gazettes" et autres "feuilles de choux". 
    Ces petites publications nationales, régionales, locales, hier encore seules intermédiaires entre une population plus ou moins enclavée et un monde dont la marche n'a jamais discontinuée, en concurrence seulement avec leurs pairs, sont, avec l'apparition de nouveaux supports médiatiques, apparues archaïques, couteuse et bien peu commodes face à un tube cathodique et un poste de radio qui se sont tout deux imposés sans mal dans les foyers.
     Pourtant, la profusion de l'offre de presse obligeait alors chaque titre à avoir sa personnalité, son ton, ses plumes, sa valeur ajoutée, son "truc" quoi.

     Ces canards dont je parle sont aujourd'hui bien rares, l'apanage de quelques irréductibles, de quelques réfractaires à la "pensée commune".

    Je citais dans un article précédent le Plan B, celui-la même qui publie chaque année la Carte du Parti de la Presse et de l'Argent que je reproduisais à la même occasion. Il est de ceux là, et celui-ci jouit en outre d'une diffusion plutôt large puisqu'on le retrouve dans de nombreux kiosque aux quatre coins de l'hexagone.






     Je pourrais également vous parler du mensuel régional satirique Le Ravi, qui parait (pour combien de temps encore?) en PACA et offre chaque mois à ces lecteurs un contenu de qualité et qui, à mon sens, n'existe nulle part ailleurs.




      Pourtant, quelle place ont ces publications aujourd'hui dans un monde de la presse écrite d'information où ne s'affrontent plus que quelques grands noms dont les dissonances s'arrêtent généralement aux pages politiques?
Au milieu de titres comme Libé, Le Monde, Le Figaro, Les Echos, L'Express, le Nouvel Obs et autres grandes pointures de la presse régionale, les seuls qui semblent encore se détacher de la pensée commune ne sont guère plus que de vieux cadavres chancelants, à l'image de l'Humanité, ou des titres dont la valeur ajoutée par rapport à la concurrence est réelle et qui bénéficie d'une certaine publicité (Le Canard Enchainé, par exemple).

Il me semble en effet que, avant de manquer de lecteurs, ces journaux "confidentiels" manquent avant tout de communication et de visibilité...étouffés qu'ils sont par les grands médias papier.



Que voulez-vous, la loi du marché n'a pas d'éthique et la marche du capitalisme est peu soucieuse d'assurer la pluralité... 
Une fois de plus, est-ce à dire qu'il faudrait le moraliser?


*Article XI de la DDHC: « tout citoyen peut (...) parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »)

Chronique tarabiscotée d'un citoyen en devenir (Pensez à nourrir les poissons)