De la pluralité à la dictature de la pensée unique (comme disent les alarmistes)
Je publie cet article qui, comme bien d'autres, manque cruellement de structure et de cohérence mais qui, je l'espère, saura tout de même attiser votre curiosité et, bien sûr, votre esprit critique ! Je vous remercie en tout cas pour les multiples encouragements dont vous me faites part.
De l'apparition du premier quotidien français en 1777 (le Journal de Paris) et de la reconnaissance de la liberté de la presse consacrée par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 aout 1789* aux tribulations actuelles d'une presse papier qui bat de l'aile, le chemin a été long pour ce média qui, deux siècles durant, s'est fait l'étendard de tout les soubresauts de notre société, des multiples révolutions qui ont ébranlées notre paysage politique au XIXe siècle à la chute du Mur de Berlin ou aux attentats du 11 Septembre 2001.
Apparue au XVe siècle puis perfectionnée -notamment par la typographie- l'imprimerie a, en son temps, révolutionnée la façon de se penser en tant qu'Homme, au sein de l'espace et du temps.
La diffusion de l'information et du savoir qu'elle a rendu possible a fait germer, au sein des masses, cette conscience de "vivre ensemble" que l'on ressent avec plus d'intensité encore avec la mondialisation que nous connaissons et cette conscience de l'instant T c'est à dire la conscience d'une Pensée qui nous préexiste et qui nous succède, cette conscience que nous ne vivons qu'un jalon de l'Histoire de l'Humanité.
Mieux que toute autre philosophie, l'imprimerie a ainsi fait comprendre à l'Homme qu'il n'est qu'une goutte d'eau, à la fois au niveau spatial et temporel.
De ce point du vue, l'apparition d'une presse d'information au sens où nous la connaissons aujourd'hui n'est rien d'autre qu'une suite de la prise de conscience du pouvoir de ce support, le papier, qui garde aujourd'hui encore une place primordiale dans notre culture et nos échanges (administratifs, personnels, professionnels, etc).
Consécutif à cette prise de conscience, les deux siècles qui nous succèdent sont de fait l'illustration de l'expansion et de la sacralisation de "l'esprit critique", qui né avec la diffusion au plus grand nombre d'une information polyphonique, puisqu'ils ont vu proliférer une multitude de journaux, revues et autres magazines vendus à l'attention du peuple, mis en pâture auprès d'esprits féconds.
En effet, plus d'un éditeur de presse pâlirait s'il voyait, comme autant de concurrents, les milliers de titres proposés aux lecteurs qui se sont succédés dans nos kiosques aux XIXe et XXe siècle. Car on l'ignore bien souvent, mais la presse écrite est un secteur en perpétuelle mutation où même les grands titres sont éphémères. Ainsi Le Monde qui nous semble, à nous jeunes lecteurs, ancestral, ne né t-il sous la houlette de Hubert Beuve-Mery qu'en 1944...et souffre déjà depuis quelques années de problèmes de trésorerie récurrents.
A l'aune d'une étude bi-séculaire de l'offre de presse, quel plus douloureux constat que celui de l'offre actuelle, bien moins prolifique qu'elle ne le fut par le passé, malade qu'elle est d'une concentration immodérée des médias entre les mains d'une fraction de holdings plus branchées communication qu'information, et qui accapare avec des grands titres (régionaux comme nationaux) la majorité du marché publicitaire de la presse écrite, condamnant de fait les petits titres à disparaitre.
Cet effondrement du nombre de titres proposés, dont je vous épargnerai le détail des causes, se complique donc tout naturellement d'un déficit de pluralité évident puisqu'ont été condamnés, au fil des années, de nombreuses "gazettes" et autres "feuilles de choux".
Ces petites publications nationales, régionales, locales, hier encore seules intermédiaires entre une population plus ou moins enclavée et un monde dont la marche n'a jamais discontinuée, en concurrence seulement avec leurs pairs, sont, avec l'apparition de nouveaux supports médiatiques, apparues archaïques, couteuse et bien peu commodes face à un tube cathodique et un poste de radio qui se sont tout deux imposés sans mal dans les foyers.
Pourtant, la profusion de l'offre de presse obligeait alors chaque titre à avoir sa personnalité, son ton, ses plumes, sa valeur ajoutée, son "truc" quoi.
Ces canards dont je parle sont aujourd'hui bien rares, l'apanage de quelques irréductibles, de quelques réfractaires à la "pensée commune".
Je citais dans un article précédent le Plan B, celui-la même qui publie chaque année la Carte du Parti de la Presse et de l'Argent que je reproduisais à la même occasion. Il est de ceux là, et celui-ci jouit en outre d'une diffusion plutôt large puisqu'on le retrouve dans de nombreux kiosque aux quatre coins de l'hexagone.
Je pourrais également vous parler du mensuel régional satirique Le Ravi, qui parait (pour combien de temps encore?) en PACA et offre chaque mois à ces lecteurs un contenu de qualité et qui, à mon sens, n'existe nulle part ailleurs.
Pour preuve cette critique acerbe de la politique de la ville d'Avignon, paru en novembre 2008 et que vous ne sauriez retrouvez ailleurs, et sans doute pas dans La Provence, qui, fort de l'accaparement qu'il fait du marché de la publicité régional, préfère aux sujets de fond, aux enquêtes journalistiques et aux remises en causes de l'ordre établi une rubrique faits divers bien nourrie.
Pourtant, quelle place ont ces publications aujourd'hui dans un monde de la presse écrite d'information où ne s'affrontent plus que quelques grands noms dont les dissonances s'arrêtent généralement aux pages politiques?
Au milieu de titres comme Libé, Le Monde, Le Figaro, Les Echos, L'Express, le Nouvel Obs et autres grandes pointures de la presse régionale, les seuls qui semblent encore se détacher de la pensée commune ne sont guère plus que de vieux cadavres chancelants, à l'image de l'Humanité, ou des titres dont la valeur ajoutée par rapport à la concurrence est réelle et qui bénéficie d'une certaine publicité (Le Canard Enchainé, par exemple).
Il me semble en effet que, avant de manquer de lecteurs, ces journaux "confidentiels" manquent avant tout de communication et de visibilité...étouffés qu'ils sont par les grands médias papier.
Que voulez-vous, la loi du marché n'a pas d'éthique et la marche du capitalisme est peu soucieuse d'assurer la pluralité...
Une fois de plus, est-ce à dire qu'il faudrait le moraliser?
*Article XI de la DDHC: « tout citoyen peut (...) parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »)
6 commentaires:
Savais tu que nombre des journaux qui peinent à persister aujourd'hui sont nés durant l'après-guerre (à l'image du monde) et qu'en fait, ils n'étaient que des journaux de résistants? Le midi-libre par exemple!
En tous les cas il est bien malheureux que la presse écrite peine à persister, moi même je n'en achète qu'occasionnellement. (outre le fait d'être abonnée au monde diplomatique, c'est plus facile de le recevoir directement dans sa petite boîte à lettre)
Il est beaucoup plus facile de "cliquer" sur la toile. On a un panel plus large d'informations venues de divers journaux, nous permettant (pour ceux qui daignent les lire) de nous ouvrir au monde. (ô combien ceci semble lyrique, ne trouves-tu pas?) En fait non, on a simplement la flemme, comme on a la flemme d'ouvrir un maudis livre afin de se cultiver (ENFIN) .
Enfin bon, si je continue dans cette voie là, tu vas une fois de plus rebondir sur mon pessimisme!
Promis, aujourd'hui j'achète un journal (et je le lis bien sur) pour faire honneur à ton article, mais c'est un effort que je devrais faire plus souvent...
Bonne résolution 2010....? Affaire à suivre.
Meilleurs voeux Andy.
Mélanie
Mes meilleurs vœux également Mélanie :)
Je suis également un grand consommateur d'infos web mais pour le coup je continue à acheter de la presse écrite pour la lecture sur papier dans laquelle je me plonge plus éperdument encore que dans la lecture sur écran. J'ai récemment eu droit à un abonnement Web au Monde et je dois dire que la valeur ajoutée est bien là: accès aux archives (on y pense pas mais c'est génial pour les recherches), accès à de nombreuses ressources multimédia, graphiques, etc, et même édition papier en PDF à lire/télécharger. GENIAL ! Pour 6€ par mois, c'est plus que rentable, vraiment.
Je n'achète donc plus que le Canard et à l'occas, Libé ou tout autre Une attirante :)
"Ainsi Le Monde qui nous semble[...] ancestral, ne né t-il [...] qu'en 1944..."
Mais il est ancestral.
J'ai peur que tu te passionnes pour un outil qui a fait son temps et qui disparaît maintenant de façon toute naturelle (à cause du marché).
Alors tu crains pour la pluralité de la presse et tu poses de bonnes questions. Mais tu oublies qu'il n'y a pas que le poste de radio ou la télé comme médias pour l'information. Tu étais d'ailleurs l'auteur d'un article intéressant sur les possibilités qu'internet représentait et qui sont largement plus grandes que celles de la presse écrite.
Alors oui, notre époque sacrifie le journal, tellement cher à ton cœur mais selon moi on y gagne (ton blog entres autres).
Enfin:
"la loi du marché n'a pas d'éthique et la marche du capitalisme est peu soucieuse d'assurer la pluralité...
Une fois de plus, est-ce à dire qu'il faudrait le moraliser?"
Bien évidement, mais pas pour ça. Nostalgie et morale sont deux choses différentes.
Waouh, merci Paul. Tu as bien mis en avant une contradiction personnelle dont j'avais fais l'impasse.
Et en effet, tu as raison, j'ai pour le média papier, si ce n'est de la nostalgie en tout cas un certain fétichisme, et ce malgré mon plaisir à lire sur internet.
Pourtant, même si cela est vrai, je ne suis pas totalement convaincu que le papier n'est plus d'avenir devant lui. La diffusion d'informations sur la Toile n'a d'ailleurs pas encore trouvé de modèle économique viable et je pense (pour l'instant, l'avenir de la presse m'aiguillera) que si le web est une source inépuisable et formidable d'informations, le papier lui est complémentaire.
Et pour cause: il est bien plus aisé de faire payer un contenu quand on le vend sur papier.
En fait, je crois que le seul GROS problème (les autres concernent des habitudes sociales ou des schémas modifiables) que pose le web concerne la rémunération du travail journalistique: il est un support très profitable pour avoir de l'information "pure" mais je crois que le vrai travail journalistique, l'investigation, l'analyse et le reportage proposent une valeur ajoutée telle qu'ils ne pourraient demeurer gratuits sans condamner les journalistes.
La gratuité me plait, mais j'ai quelques remords à condamner ceux qui nous informe.
Gageons qu'ils seront trouver les clés de leur avenir professionnel sans nuire à la qualité de leur travail, déjà bien remis en cause...certains exemples nous montre que c'est possible, mais le tout payant n'est pas la solution non plus...il va leur falloir à mon sens trouver un juste milieu entre les contenus bâtards (dépêches d'agence, info à vif...) et les publications de valeur.
Mes meilleurs vœux, Paul.
"En fait, je crois que le seul GROS problème [...] que pose le web concerne la rémunération du travail journalistique"
C'est vrai. J'avoue que je n'avais pas considéré ce problème. Mais encore une fois je ne crois pas qu'il faille s'acharner à rendre le journal attirant.
La vraie solution, selon moi, c'est de poser de vraies limites à internet ( pas Hadopi, ce n'est pas ce que je dis ) mais une solution citoyenne où on paye pour un service ou une chanson ( à un prix décent,entre la gratuité et celui demandé par les avides majors).
Je crois que ça aussi ça s'appelle moraliser l'économie.
Enfin, mes meilleurs vœux Andy (avec une semaine de retard). Et surtout je souhaite la meilleure santé à ce blog. :]
En effet, on ne fait pas que perdre avec ce système. On y gagne beaucoup, c'est évident. Pourtant, dans ce flot d'informations, parfois diverses, ou simplement répétitives, il faut faire la part des choses. on a de vraies réflexions, de vraies informations, de vrais esprits critiquent qui mettent en lumière leurs remarques acerbes et qui sont le reflet d'une pensée. Pourtant, on a bien d'autres choses... et le constat est accablant. Il l'est parfois aussi dans la presse écrite, mais bon, on ne peut pas comparer l'incomparable.
Enfin, la presse gratuite, l'information gratuite. Complètement POUR. Tout le monde a le droit à l'information, c'est primordial. Pourtant, cela ne se fait pas sans nuire à la presse écrite qui elle aussi a besoin de fonds. (et beaucoup) donc, on délaisse la presse écrite, et qui les finance? Il faut éviter autant faire se peut que la presse deviennent encore plus (si c'est possible) dépendante de grands groupes. Malheureusement elle l'est déjà, mais bon, c'est un peut aussi une contribution citoyenne non?
Je voudrais croire en l'avenir de la presse écrite... mais vu l'inclination que prennent nos sociétés, j'ai de sérieux doutes. Ce qui ne veut pas dire que je ne vais pas retourner acheter un journal aujourd'hui...!
ps: je trouve que ton abonnement au monde pour 6€ par mois est un bon compromis... pour le moment!
Enregistrer un commentaire