7 mai 2010

"Ecrire, c'est peut-être aujourd'hui rendre hommage à tous ceux que la société, l'entreprise broie et a broyés." R. Jauffret

  

      Jérôme, mon cher Jérôme, je n'ai pas le bonheur de vous connaître. Vous êtes un enfant du siècle, un gamin de cette époque où le profit est vénéré comme un cochon d'or. Vous avez cru aux valeurs que l'on vous a inculquées depuis votre naissance. Vous vouliez que les vôtres soient fiers de vous. Vous avez tutoyé les règles, comme un gamin stressé cache un dictionnaire d'anglais dans son froc lors d'un contrôle d'anglais. Au lieu de vous coller un mercredi après-midi, on a préféré vous jeter tout nu à la populace. Vous êtes devenu un objet sacrificiel. On ne vous a pas tiré douze balles dans le dos, mais on vous humilie suffisamment pour vous suggerer de vous tirer une balle dans la tête.
     Mon cher Jérôme, je vous demande, je vous supplie, de ne pas attenter à vos jours. La moindre vie a une infinie valeur. Des milliards d'années -l'euro en ce temps-là n'avait pas encore été inventé- de luttes, d'efforts, d'incroyables guerres menées par les éspèces qui nous ont précédées ont été nécessaires pour qu'aujourd'hui vous jouissiez d'un corps, d'un cerveau, de la vie. Votre vie est infiniment précieuse, et elle recèle dans ses replis des possibilités de rédemption, de bonheur. Comme tout les êtres humains, vous êtes quelqu'un de merveilleux. [...]
     Jérôme, je vous aime, comme on aime un enfant battu. Au nom de ceux qui ont un jour failli -donnez-moi les coordonnées d'un innocent, que je le félicite, et le traite d'imposteur par la même occasion- en signe de solidarité. Permettez-moi de vous dire: moi aussi, je m'appelle Jérôme.

Régis Jauffret, écrivain, à propos de
Jérôme Kerviel et de l'affaire de la Société Générale.
Paru dans Libération du vendredi 1er février 2008.

1 commentaire:

P.B. a dit…

Pour commencer je dirais que je sais que ce n'est pas toi qui a écrit cet article Andy mais je vais supposer que tu t'associes aux idées qu'il véhicule.

Elles sont mauvaises (dans les deux sens du terme).

« La moindre vie a une infinie valeur. »
« Comme tout les êtres humains, vous êtes quelqu'un de merveilleux. »

Devrais-je le démontrer ? Non seulement la valeur d'une vie humaine est quelque chose de fini mais il y a aussi et certainement des hommes et des femmes qui valent davantage que d'autres.
Donc déjà, cette base de réflexion est faussée. Mais ça ne s'arrête pas là.

« Jérôme, je vous aime, comme on aime un enfant battu. Au nom de ceux qui ont un jour failli -donnez-moi les coordonnées d'un innocent, que je le félicite, et le traite d'imposteur par la même occasion- en signe de solidarité. Permettez-moi de vous dire: moi aussi, je m'appelle Jérôme. »

Ce discours est à tomber par terre. Où est l'enfant battu ? Que devrait-on féliciter ? De quelle imposture parle-t-on ?
Alors bien sûr Kerviel n'est pas l'unique coupable de ce système financier mais il a bel et bien sa place dans le box des accusés.
Et à l'inverse de cet auteur un peu mièvre je me permets, moi, de vous dire que je ne m'appelle pas Jérôme et je revendique par la même le droit légitime de fustiger Kerviel, véritable avatar des dérives des marchés.



Mais au delà de cet exemple bien précis, si je réagis c'est que je voudrais dénoncer l'idéologie utilisée dans cet article (idéologie d'une fausse gauche bien pensante) qui essaye de dédouaner tout un chacun de ses responsabilités.
Car en pensant comme ça, en remettant chaque personne dans son environnement ou son contexte on peut arriver à dire des extrémités telles que: « Ah mais si Adolf avait eu une mère plus affectueuse alors il n'aurait peut-être pas ... ». C'est bien sûr ridicule mais c'est là, la limite de cette façon de penser.
En conséquence, j'invite Régis Jauffret à envoyer le même message de solidarité, que celui destiné à Kerviel, à tous les coupables de la Terre qui, peut-être, si on ne leur avait pas fait vénérer le « cochon d'or » ou je ne sais quoi d'autre n'auraient rien fait de répréhensible.

J'ai une solution plus simple (et plus juste). Jugeons les personnes selon leurs actes.

Chronique tarabiscotée d'un citoyen en devenir (Pensez à nourrir les poissons)