Les Médias, propriété du patronat
Si la législation française et le système démocratique et républicain que nous connaissons interdit le contrôle des médias par les acteurs du monde politique, pour des raisons évidentes de droit à l’information et de liberté d’expression, une certaine autorité des politiciens sur les médias et pourtant indéniable. A travers cet article nous verrons donc comment s’organise aujourd’hui le contrôle de l’information –ou plutôt, de certaines informations- et en quoi le système du capitalisme actionnarial vient-il, indirectement, mettre des entraves à la liberté de la presse. Car si l’on devait trouver une cause majeure au problème de l’indépendance des médias, ce serait sans doute celle-ci : la plupart des médias et la quasi-totalité des médias d’envergures sont possédés, en partie ou totalement, par de puissants groupes industriels, têtes de liste du CAC40, dont les intérêts financiers sont incompatibles avec le bon exercice des métiers de l’information.
Carte de la répartition des médias français par propriétaire ou carte du PPA (Parti de la Presse et de l’Argent) publiée chaque année par le journal bimestriel Le Plan B.
A la tête de ces groupes diversifiés, quelques unes des plus grosses fortunes françaises : Pinault, Arnault, Lagardère, Bolloré, Bouygues, de Rothschild, Dassault, etc.
TF1, Le Point, Libération, Le Monde, Le Figaro, Paris Match, l’Equipe, Europe 1 et 2, dans l’audiovisuel comme dans la presse écrite, les plus grands médias français, en termes d’audience, sont tous contrôlés majoritairement par ces holdings pour lesquelles ces médias de grande écoute sont souvent une aubaine en terme de rentabilité et de profits. En témoigne les résultats du groupe de Martin Bouygues, propriétaire – entre autres- de TF1, LCI, Métro ou encore Eurosport et dont la branche médias constituait, en 2004, 38% d’un chiffre d’affaire total de 26 milliards d’euros ou ceux de Lagardère Active, filiale du groupe Lagardère spécialisée dans les activités audiovisuelles (Europe 1, Europe 2, MCM, etc.), qui a réalisée en 2006 un chiffre d’affaire de presque 14 milliards d’euros.
Cependant, cette santé financière visible chez les grandes entités des médias audiovisuels ne doit pas faire oublier que, parmi les médias plus traditionnels que sont les journaux, les temps sont rudes et, avec l’effondrement des ventes dans la presse écrite et, par là même, l’effondrement des recettes publicitaires, c’est tout le pluralisme et l’indépendance de la presse écrite qui sont remis en cause.
Le Parisien, Une de l’édition du 27 septembre 2006, en pleine crise du journal Libération (CF ci-dessous).
A l’échelle mondiale, la diffusion payante de journaux chute, en moyenne, chaque année, de 2 %.
Ainsi, l’ex-organe du PCF, l’Humanité, fondé en 1904 par Jean Jaurès, est aujourd’hui contraint de faire appel aux dons de ses lecteurs pour subsister. Le quotidien national Libération, lui, a dû, en janvier 2007, opérer une recapitalisation pour sortir de la crise due à la baisse générale des ventes de journaux, recapitalisation qui a fait entrer dans le capital du journal, en tant qu’actionnaire majoritaire avec 38,7% de part, le financier Edouard de Rothschild. Pour sa part, Le Monde, déjà recapitalisé en 2005 par Arnaud Lagardère à hauteur de 50 millions d’euros, devrait cette année encore ouvrir son capital pour faire face à un déficit persistant, au risque de voir diminuer l’influence du directoire du Monde (Société des rédacteurs) dont 2 des 3 directeurs ont démissionnés début janvier 2008, faisant courir le risque au journal d’être placé sous une autorité administrative.
Si les médias sont donc, pour ces holdings, une aubaine dans la mesure où ils assurent aux entreprises du groupe une meilleure capacité de communication, il semble également que ces gros actionnaires s’imposent de plus en plus comme les sauveurs de ces organes de presse en difficulté. En admettant, dès lors, une certaine légitimité de ces financiers dans le monde de l’information, une question subsiste : Les intérêts économiques, les connivences avec le pouvoir politique et les prérogatives de profits de ces entreprises capitalistes sont t-ils réellement compatibles avec le bon exercice du métier de journaliste qui se doit d’être impartial et affranchi de toute censure ou, pire, autocensure ?
Comme le rappellent, dans un article paru dans Libération du 21 janvier 2008, les anciens directeurs de la Société des rédacteurs du Monde (J.-P. Clerc, J.-M. Dupont, M. Lucbert et F. Simon), « La presse, en effet, est bien une industrie, mais pas une industrie comme les autres : elle participe à l’information et à la formation de l’opinion. Elle est un acteur citoyen […] irremplaçable. » De la même manière, Hubert-Beuve-Mery, le fondateur du journal Le Monde, rappelait dans son quotidien du 19 avril 1956 qu’ « informer un homme, lui fournir les éléments d’une conviction et d’un jugement, est tout autre chose que de lui procurer un chapeau ou une paire de chaussures. », et formulait le souhait que « les grands journaux capables d’exercer une influence sur l’opinion publique ne soient pas les succédanés comme les sous-produits d’entreprises industrielles qui pourraient trouver là […] l’occasion ou le moyen d’inavouables combinaisons. La presse doit pouvoir s’industrialiser et demeurer saine. Elle ne doit pas être une presse d’industrie. »
Les craintes implicites du fondateur du Monde de voir un jour les journaux être à la botte des puissances financières sont aujourd’hui plus avérées que jamais et l’on assiste de plus en plus à des affaires de censures ou d’autocensures journalistiques motivées, outre par des intérêts purement financiers, par des intérêts politico financiers. Intérêts politiques et financiers, donc, pour les dirigeants de ces institutions financières dont les relations, avec des personnalités politiques plus ou moins hautement placées, laissent miroiter des possibilités de contrats publiques, par exemple, mais aussi des clémences judiciaires ou d’éventuels subventions. En somme, avoir un contact au sein du gouvernement ou des instances politiques peut laisser entrevoir beaucoup de bénéfices… des accommodements politiques dont la légalité n’a d’égale que l’éthique des gens qu’ils servent.
Et c’est ainsi, qu’en 2005, le licenciement du directeur de la rédaction de Paris Match, Alain Genestar, avait fait grand bruit puisqu’il intervenait juste après la publication par l’hebdomadaire people d’une photo montrant l’ex Cécilia Sarkozy et Richard Attias, soupçonnés alors d’avoir une relation. Ce licenciement aurait semble-t-il était mis en œuvre par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, par le biais de son ami et actionnaire majoritaire de Paris Match, Arnaud Lagardère.
Si la censure n’est là exécutée qu’à posteriori, on conviendra que c’est tout de même là le genre d’affaires susceptibles de faire émerger une autocensure de la part des journalistes, par crainte des possibles conséquences de l’exercice morale de leurs fonctions.
Mais la censure existe belle et bien. En septembre 2006, le directeur de la rédaction de La Tribune a ainsi fait passer à la trappe un dossier concernant la candidate socialiste à la présidentielle de mai 2007, Ségolène Royal, et défavorable à son principal adversaire Nicolas Sarkozy, également ami du PDG du journal économique, Bernard Arnault, qui avait été un des témoins du second mariage de celui-ci avec Cécilia (ex) Sarkozy.
Et ce phénomène, fruit de la connivence des politiques avec les grands patrons, propriétaires de grands médias, s’illustre par de nombreux exemples connus et sans doutes par encore davantage d’exemples inconnus qui, du côté des politiques, n’a pour seul but que le contrôle d’une image qui se fait et se défait au travers des médias et influence par ce biais l’opinion et donc l’électorat. Côté journalistes, si le sujet est peu abordé ouvertement, certains collectif tente toutefois de dénoncer ces pratiques, à l’image du Club de la Presse Méditerranée 06 qui, dans une lettre ouverte adressée, le 28 janvier 2008, aux politiques et plus particulièrement aux candidats aux élections municipales de mars, souligne « le renforcement des pressions qu’exercent ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir sur les journalistes ». Dans le même temps, le collectif appelle les journalistes à « éviter […] de traiter les sujets relatifs à la vie privée » et les politiques à « respecter l’indépendance de la presse. »
En outre, les syndicats des journalistes se sont adressés en novembre, par le biais d’une pétition, à tous les Français pour proposer une loi garantissant l'indépendance des rédactions.
Mais au-delà de ces évènements factuels qui démontrent l’emprise du pouvoir politique sur les moyens d’information, tout ceci contribue à créer, au sein des rédactions détenues par de tels investisseurs, un climat d’insécurité et de crainte qui pousse de plus en plus de journalistes à s’autocensurer, bafouant simultanément leur éthique, leur morale, la liberté d’expression et le droit à l’information, et ce sous le seul effet de la puissance financière garante d’une activité toute entière. Sans, toutefois, être alarmiste, il est tout de même important, face au désintéressement, vis-à-vis de cette question du « contrôle » des médias par les gouvernements, de l’opinion publique, de ne pas perdre de vue que ces « dérapages » existent et que l’impunité dans laquelle ils se perpétuent n’enlève rien à la gravité de telles manipulations médiatiques qui, par extension, sont des manipulations de l’opinion qui n’ont pour seule finalité qu’un gain politique; Mais voilà un gain qui, dans une certaine mesure, peut avoir des répercussions considérables. Comme disait Jim Morrison : « Celui qui contrôle les médias contrôle les esprits ».
En mai 2009, l'hebdomadaire Le Monde 2 (devenu Le Monde Magazine) revenait sur les débuts du journal homonyme avec cette Une ou l'on voit Hubert Beuve-Méry de dos, en conférence de rédaction en 1961.
Article "recyclé" issu de nos TPE finalisés en Mars 2008.
2 commentaires:
ahaha t pouriii ya persoone ki a visité tn site de meeerde
Bonjour grand courageux,
Écoute entre nous ce site est mort, et il fait encore 300 ou 400 visites par mois, ce qui est déjà pas mal.
Ensuite interroge toi sur la démarche même de quelqu'un qui écrit les conneries que j'écris et peut-être que tu relativiseras un peu l'intérêt de ton commentaire.
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