14 juin 2008

Le rôle de la religion pour le peuple selon Victor Hugo [Extrait de Claude Gueux - 1834]



     Pour clore Claude Gueux, Victor Hugo développe une thèse sur les causes du grand nombre de prisonniers et de prostituées:
      "Le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats, vous avez trop de prostituées."
      En réponse à ce "vice du corps social", celui-ci préconise l'Education et le Travail ("Songez au gros du peuple. Des écoles pour les enfants, des ateliers pour les hommes."). Sur ce, considérant que le travail donné au pauvre ne lui permettra jamais d'atteindre la condition sociale du riche, il évoque l'utilité de la religion comme synonyme d'espoir pour le peuple...


      Souvenez-vous qu'il y a un livre plus philosophique que Le compère Mathieu, plus populaire que le Constitutionnel, plus éternel que la charte de 1830; c'est l'écriture sainte. Et ici un mot d'explication.
     Quoi que vous fassiez, le sort de la grande foule, de la multitude, de la majorité, sera toujours relativement pauvre, et malheureux, et triste. A elle le dur travail, les fardeaux à pousser, les fardeaux à trainer, les fardeaux à porter.
      Examinez cette balance: toutes les jouissances dans le plateau du riche, toutes les misères dans le plateau du pauvre. Les deux parts ne sont-elles pas inégales? La balance ne doit-elle pas nécessairement pencher, et l'État avec elle?
      Et maintenant dans le lot du pauvre, dans le plateau des misères, jetez la certitude d'un avenir céleste, jetez l'aspiration au bonheur éternel, jetez le paradis, contrepoids magnifique! Vous rétablissez l'équilibre. La part du pauvre est aussi riche que la part du riche.
      C'est ce que savait Jésus, qui en savait plus long que Voltaire.
      Donnez au peuple qui travail et qui souffre, donnez au peuple, pour qui ce monde-ci est mauvais, la croyance à un meilleur monde fait pour lui.
      Il sera tranquille, il sera patient. La patience est faite d'espérance.

[...]

     La tête de l'homme du peuple, voilà la question.

[...]

     Cette tête de l'homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la; vous n'aurez pas besoin de la couper.


FIN


Photo: Notice du registre d'écrou de la maison centrale de Clairvaux concernant Claude Gueux. 2 mars 1830.

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